31 décembre 2020
C'était vraiment une année DÉTONNANTE (Source : Gerd Altmann sur Pixabay)
Ouah. What a ride, hein ?
Tout a été dit, ou presque, sur cette année 2020. Au point qu'il est difficile de trouver un adjectif approprié et un peu original pour la qualifier. Contentons-nous de dire humblement qu'elle aura surpassé ce qu'on aurait pu en attendre.
Mais, année d'exception ou pas, il est venu l'heure du bilan culturel de 2020. Car oui, entre deux (dé-)confinements, j'ai tout de même pu aller au cinéma, lire des livres et même regarder des séries. Sans même culpabiliser de ne pas sortir de chez moi. C'était un acte citoyen.
Je m'étais fait une routine de lire dans les transports en allant au travail. Ce qui aura eu pour conséquence attendue que quand je me suis trouvé à devoir rester chez moi, eh bien j'ai plus lu. Me voilà bien eu. J'ai néanmoins pu faire honneur à une vingtaine d'ouvrages cette année, dont voici une sélection.
Pour commencer, un roman qui m'a fait dire en le lisant « Mince, c'est possible d'écrire des livres comme ça ? » Le livre raconte l'histoire d'Adrien, à qui son beau-frère (le compagnon de sa sœur) demande de faire un discours pour leur mariage à venir, alors même que lui vient de se faire quitter. S'ensuit des longs monologues hilarants où le héros passablement dépressif médite sur sa vie, contrastant avec le traditionnel repas dominical chez ses parents qui se déroule en parallèle.
Le roman est assez étonnant, en cela qu'il se déroule presque entièrement dans la tête du personnage principal, intéragissant occasionnellement avec le monde qui l'entoure. Le roman revêt une apparente simplicité qui dissimule un vrai talent dans l'écriture et dans le style.
Je vous recommande à l'occasion toute la bibliographie de l'auteur, connu notamment pour ses bandes dessinées (Zaï Zaï Zaï Zaï notamment).
S'il fallait présenter ce livre avec une phrase un peu clichée, je dirais que c'est un roman vraiment en phase avec son époque. On suit les histoires parallèles de plusieurs personnages installés à San Francisco, berceau de la start-up nation originelle. On y croise d'ailleurs un de ces entrepreneurs, ainsi qu'une camgirl, des activistes anti-Silicon Valley, des influenceurs… bref, des acteurs du Web dans leur diversité.
Le roman m'a rappelé La Théorie de la tartine, de Titiou Lecoq (qu'on retrouvera plus tard), qui lui aussi décrivait le Web de façon authentique et sans écueil, avec une vraie connaissance du sujet.
Après avoir un peu toisé le livre dans la librairie, avec sa couverture arborant un Union Jack, j'ai fini par me laisser tenter. Grand bien m'en a pris, j'ai passé un très bon moment. Le roman se situe comme on peut le deviner au titre au Royaume-Uni, dans la période post-Brexit. Une jeune femme, européenne convaincue, y a une idée originale : et si l'on faisait se rencontrer et se marier des britaniques avec des ressortissants européens pour garantir aux premiers un passeport pour le continent et aux seconds le droit de travailler et de vivre au Royaume-Uni ?
Sur la base de ce concept, l'autrice — qui est française et habite au Royaume-Uni — nous présente toute une galerie de personnages auxquels on s'attache sans difficulté. Enfin, le roman est très drôle, notamment par ses dialogues vraiment désopilants. Pour ma part, je retiens le nom de Clémentine Beauvais, qui est peut-être ma révélation de cette année. À ce sujet j'ai découvert récemment qu'elle était derrière la traduction du dernier roman jeunesse de J.K. Rowling, L'Ickabog.
Il ne s'agit pas ici d'un roman, mais d'une biographie, celle de Honoré de Balzac. À noter d'emblée que je n'ai jamais rien lu de cet auteur, mais que j'ai été mis en confiance par l'autrice, Titiou Lecoq, dont j'apprécie beaucoup la production. Le livre est sous-titré « Parce qu'il a réussi sa vie en passant son temps à la rater, Balzac est mon frère », ce qui pose immédiatement le ton de l'ensemble. En nous présentant la vie de Balzac, Titiou Lecoq nous raconte aussi comment son œuvre l'a touché personnellement, et comment elle résonne avec notre époque.
Le tout est honnêtement très drôle, et nous présente Honoré de Balzac sous un jour bien éloigné de l'image qu'on peut avoir de lui, auteur emblématique et un peu chiant du programme de collège et de lycée. On nous explique par exemple qu'il ne savait pas gérer son argent et qu'il s'embarquait dans les pires combines pour ne pas régler ses dettes. L'autrice s'arme aussi à démonter le mythe persistent selon lequel Honoré de Balzac aurait été victime de la mauvaise volonté de sa mère, souvent dépeinte en tyran. Bref, cela se lit très aisément, et il est probable que je me laisse aller à la lecture d'un Balzac dans le futur.
Et oui, malgré les événéments, malgré les fermetures, malgré tout, des films sont sortis au cinéma cette année, et des bons. Et même plus, des bons films français.
Un film qui m'a tellement marqué que j'ai été le voir deux fois. Il s'agit d'un found footage, en cela que l'œuvre que l'on regarde existe dans la diégèse du film. En l'espèce, on suit la vie de Max, qu'il enregistre depuis qu'il a reçu un camescope à Noël à l'âge de treize ans. On le voit grandir, faire des rencontres et croiser la route de quelques marqueurs de l'époque comme la coupe du monde de 1998.
Le film est très drôle, très nostalgique inévitablement, et parlera à tout ceux qui ont grandi dans les années 1990 et 2000. Le film est aussi assez dur par moment, parce que la vie c'est pas toujours joyeux, et des fois c'est compliqué (je vous ai déjà dit que j'avais un Master 2 en Psychologie de l'enfant ?)
On suit ici les périgrinations de Frédéric et Claire, joués par Jonathan Cohen et Marina Foïs. Les deux sont en couple, et tandis que le premier veut un enfant, la seconde n'en veut pas. Il va donc faire la pire chose, lui « faire un enfant dans le dos » (c'est ce que dit le résumé officiel, en vrai il lui sabote ses pillules). Résultat, Claire tombe enceinte, à son très grand désaroi et à la joie de Frédéric.
C'est là que le film est je trouve intéressant : tandis que Jonathan Cohen joue clairement un rôle de comédie, celui d'un futur père plus investi dans la grossesse de sa femme que sa femme elle-même, Marina Foïs elle incarne un rôle beaucoup plus dramatique. Elle ne voulait pas tomber enceinte, elle subit ce qui lui arrive, et elle souffre. Ce qui fait qu'on regarde en fait deux films dans l'un : une comédie et une tragédie.
À noter enfin que le film a beaucoup fait parler de part son sujet. Comme je ne suis pas le mieux placé pour en parler (et que ça fait un moment que je l'ai vu) je vous mets ici un fil Twitter qui revient sur les qualités et défauts de l'œuvre.
On quitte le domaine de la comédie pour celui du documentaire. David Dufresne est un journaliste surtout connu pour son travail sur les violences policières pendant les manifestations des Gilets Jaunes, et le fameux hashtag #AlloPlaceBeauveau destiné à alerter le ministère de l'Intérieur sur la situation.
Après son roman Dernière sommation, que je vous avais chroniqué l'an dernier, on a ici un film qui met bout à bout des images de violences policières filmées donc pendant ces fameuses manifestations des Gilets Jaunes, commentées par ailleurs par différents intervenants liés au sujet : des journalistes, des avocats, des policiers, des militants, etc. Chacun apporte son éclairage sur les images qu'il voit, avec un fil rouge, la fameuse citation de Max Weber sur le fait que l'État détient le monopole de la violence légitime.
On en tire un portrait pas très reluisant de notre démocratie, qui donne pas très envie d'aller embrasser un flic. Désolé Renaud.
Je pensais au départ vous parler de Drunk, pour assurer le quota de films étrangers, mais comme tout le monde parle déjà de Drunk pour en dire du bien, je me suis dit que ça ne serait pas très original. Du coup, à défaut d'un film danois, je vais vous parler d'un film saoudien. Un film saoudien féministe, de surcroît. On a ici l'histoire d'une jeune femme médecin, Maryam, qui décide de se présenter aux élections municipales en réaction à l'inaction des pouvoir publics pour refaire la route devant l'hôpital où elle travaille.
Honnêtement, je n'ai pas trouvé le film extraordinaire. Mais l'œuvre est déjà intéressante en soi pour ce qu'elle est : un film saoudien, objet rare s'il en est. Quand on regarde un film saoudien, de même que quand on regarde un film américain, on a une fenêtre ouverte sur une certaine culture. On découvre un quotidien, des détails qui ancrent l'œuvre dans son milieu. On constate ce que cela implique d'être obligé de porter un voile en public, de devoir avoir l'autorisation de son père pour se déplacer, d'être censuré dans la production artistique… et comment cela se traduit concrètement.
Évidemment, il faut rester vigilant. On imagine bien que le régime saoudien garde un œil sur les produits culturels qu'il exporte, et que le film ne saurait être pris comme un reflet fidèle du pays dans lequel il se déroule. Mais il a au moins le mérite d'exister, et s'il peut permettre une meilleure connaissance de la culture saoudienne à l'étranger, c'est toujours ça de pris.
Et oui, qui dit « obligation de rester chez soi » dit « binge watching comme un gros sale ». Je ne suis pas habituellement très au fait des dernières sorties en matière de séries, il y a des trucs un peu vieux qui ont pu se glisser dans le lot. Vous m'en excuserez.
Vous me permettrez également de passer plus vite sur les descriptions.
Jennifer Aniston, Reese Witherspoon et Steve Carell, que demander de mieux ? On est ici dans les coulisses d'une matinale de télévision dans l'ère post-#metoo, c'est un régal et ça tient en haleine jusqu'à la toute fin. Vivement la saison 2.
Je ne vais pas prétendre vous faire découvrir une petite série confidentielle, tout le monde connaît déjà. Pour les deux du fond qui ne suivent pas : un élève de lycée donne des conseils en sexologie à ses petits camarades. C'est vachement bien, on adore.
À présent, une série qui s'est terminé en 2018. On suit les aventures d'un couple d'espions sociétiques vivant dans les États-Unis de Reagan avec leurs enfants qui n'en savent rien. Un jour un nouveau voisin s'installe. Surprise, il travaille au FBI. Excellente série là aussi, très haletante, avec une belle galerie de personnages.
OUI JE SAIS JE DÉBARQUE. Je n'avais jamais vu Gossip Girl, le premier confinement m'a donné l'occasion de rattraper ce retard. Après une première tentative ratée il y a quelques années qui m'avait laissé froid, j'ai redonné sa chance à l'œuvre et me suis laissé embarquer. Évidemment c'est très cul-cul, mais qu'est ce que vous attendez d'autres d'une série qui s'appelle « La meuf aux potins » ? (c'est le titre québécois de la série) (non je plaisante) (mais ça devrait)
C'est pratique les podcasts, tu peux écouter et faire autre chose en même temps (insérez ici le mème avec le gros cerveau)
Je ne joue pas aux jeux vidéo mais j'adore entendre parler de jeux vidéo. C'est la vie que j'ai choisi de mener. On a ici quatre chroniqueurs qui ne parlent pas de l'actualité vidéo-ludique mais plutôt de la pratique du jeu vidéo en général, comme médium culturel et comme sujet de société. C'est bien.
Laélia Véron, dont j'avais déjà loué l'an dernier le livre Le français est à nous, nous parle de linguistique au sens large. Que ce soit la différence entre les dictionnaires, la portée politique du langage ou l'intérêt des langues mortes, tout le monde y trouvera son compte.
À chaque épisode, on découvre une communauté sur le Web dont on ne soupçonnait pas forcément l'existence. Beaucoup de bienveillance et pas de jugement, on est simplement guidé sur ce qui fait la spécificité de cette communauté, ses traditions, ses drames, son histoire.
Deux amies, l'une qui n'a jamais regardé Friends et une autre qui est archi-fan, regarde ensemble la série et commente. C'est une découverte récente, c'est cadeau.
Bon, je pense qu'on peut décemment s'arrêter là. Si vous êtes arriver jusqu'ici, félicitations, moi-même je me serais arrêté avant. Il ne me reste plus à présent qu'à vous souhaiter une bonne année 2021, meilleure probablement que ne le fût 2020. Espérons que cette situation sanitaire en reste au simple état de crise ponctuelle et ne s'inscrive pas excessivement plus longtemps dans la durée. Parce qu'on a déjà vu dans le passé des choses normalement destinées à gérer un état d'urgence qui finalement se sont inscrit dans la durée (si vous voyez ce que je veux dire, clin d'œil clin d'œil)…
Allez, à bientôt.